Si j’étais un conseiller du 1er ministre, le premier conseil que je lui aurais donné serait d’établir un tableau de bord du gouvernement, pour lui permettre d’insuffler de la vigueur dans le travail des ministres, afin de produire une vraie transformation qualitative de la RDC.
Un outil pour piloter le développement en RDC
Ce tableau de bord regroupera, à côté des indicateurs macroéconomiques classiques, les indicateurs de performance sectoriels de l’exécution du plan d’action du gouvernement. Il sera similaire au tableau de bord prospectif de Kaplan et Norton, le très populaire Balanced Scorecard.
En effet, sans un tableau de bord, il sera difficile de savoir ce que chaque ministre est sensé fournir comme résultats, ni ce que les gouverneurs doivent réaliser comme progrès réel de chaque province.
Travailler sans tableau de bord
Il est vrai que sans tableau de bord, le gouvernement peut toujours travailler. Cependant, il n’existera pas une bonne cohérence entre les ministères, ni entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux, ni encore dans les interactions des provinces entre elles. Comme il manquera également de continuité de l’action gouvernementale, au niveau tant national que provincial.
A chaque changement de titulaire, il faudrait repartir de zéro, dans un cycle infini de recommencement perpétuel, comme Sisyphe. C’est l’état actuel des faits.
Sans un tableau de bord : les méfaits
Faible impact politique de l’action gouvernementale
La conséquence d’un manque de prévisions claires qu’affiche un tableau de bord serait que les bénéfices politiques d’une planification à long terme ne seraient pas très perceptibles. En effet, ne sachant pas à quoi s’attendre exactement, la population restera toujours non satisfaite de sa situation, même si quelques progrès avaient été réalisés.
Perception de risque élevé pour les investisseurs étrangers
L’autre conséquence non moins importante est l’image que l’on donnerait aux investisseurs étrangers. Le pays semblerait voguer à vue, sans des objectifs sectoriels précis, ni un cadre structurel clair dans lequel les investisseurs pourraient insérer leurs projets. Comme si leurs perspectives d’investissement en RDC devaient se reposer sur les dires d’un ministre, qui d’ailleurs pouvait n’importe quand être remplacé. Pas très attractif, comme perspective !
Un exemple concret de ce risque ? Le projet de construction de barrage d’Inga 3. Voilà pratiquement 20 ans, que plusieurs investisseurs potentiels sont passés (Westcor & Escom/ Hydro-Quebec ; BHP Billiton ; …), sans que le congolais moyen ne comprenne pourquoi, aucun d’entre eux n’a investi à Inga, et que l’on laisse ainsi périr pendant des années des KWH qui pouvaient générer des revenus dont on a besoin pour améliorer notre budget national !
Un progrès réduit du pays
La pire des conséquences est aussi le fait que le pays finit par avancer à pas de tortue, et très en deçà de la pointe de vitesse que nos capacités permettent. Comme un véhicule turbo V8 de 250 Km/ h de pointe, qui roulerait sur une autoroute, à une vitesse de croisière de 40 km/h !
Tableau de bord comme outil de développement
Comment accélérer notre vitesse de croisière économique ? En refixant le regard de tous sur le tableau de bord de la RDC et en montrant à chaque congolais que tous les indicateurs clés du développement intégré du pays dans son secteur sont aux normes requises !
Ainsi, si un fermier dans un village quelconque, veut par exemple mécaniser sa production agricole, qu’il puisse s’assurer lui-même d’abord, sur le tableau de bord de son territoire, que l’aménagement de la route d’accès qu’il compte utiliser est bien planifié, pour quand sa production accrue sera prête.
Comment facilement construire ce tableau de bord (TDB) ?
En suivant les étapes du modèle standard de planification stratégique comme détaillé ci-après :
TDB du gouvernement : Les intentions stratégiques de la RDC
Le 1er élément pour la construction du TDB est la définition des intentions stratégiques du pays. Quels sont les batailles que le pays décide de mener ? Une version simplifiée de ce travail existe. Celle de prendre carrément les objectifs ODD des Nations Unies 2030 et les fixer de façon spécifique pour le pays, par rapport à notre situation exacte et exhaustive actuelle, avec des prévisions chiffrées, secteur par secteur. On déterminera ainsi le gap entre notre position présente et les points à atteindre dans le temps.
Cela sera l’obsession de tout membre du gouvernement, d’atteindre sans faute pour la RDC en 2030, tous les objectifs proposés par les Nations Unies !
TDB du gouvernement : Opportunités, Défis et Atouts stratégiques
Le 2e élément est de faire une bonne analyse des opportunités, des défis du moment ainsi que de nos atouts stratégiques, par rapport aux conditions internes du pays et à la situation internationale, sans oublier les pesanteurs externes, régionaux et globaux. Un travail classique !
Un point significatif ici se rapporte aux défis importants à relever. Des défis tels qu’une mentalité congolaise peu encline à l’effort, la mentalité de combines (coops), les défis de corruption, de concussion , de tricherie; les défis sécuritaires, de porosité frontalière, d’exploitation sauvage des ressources naturelles ; de l’utilisation des moyens inavouables par des multinationaux véreux pour faire main basse sur nos ressources, etc. Tous ces défis doivent être analysés de manière profonde et objective, leur traitement inadéquat pouvant mettre en péril l’ensemble du travail fait.
TDB du gouvernement : Fixation des objectifs globaux de la RDC
Le 3e élément est la fixation de nos objectifs, en fonction de nos vraies forces et des opportunités à saisir. Nous devons aussi faire la traduction de ces objectifs globaux en objectifs sectoriels, pour tous les domaines : politique, économique, social, juridique, technologique, écologique, légale, administratif et humain. Chaque domaine doit avoir un objectif bien déterminé pour éviter qu’il ne stagne et mette en danger la cohérence des objectifs globaux sectoriels. Nos objectifs sectoriels doivent être équilibrés et se soutenir mutuellement. Une belle vision, une mission et des valeurs morales fondamentales peuvent encadrer ces objectifs globaux et sectoriels.
TDB du gouvernement : Choix des stratégiques et fixation des priorités.
En fonction du gap des objectifs et de l’évaluation des ressources requises pour combler le fossé, mais aussi en fonction du gap en termes de ressources requises elles-mêmes, on analyse en 4e position les meilleures stratégies à mettre en place et on fixe les priorités stratégiques du pays.
Le point critique ici réside dans le respect des exigences de l’excellence stratégique, qui commandent que la priorité soit donnée aux stratégies qui donnent le plus de chances de succès, en quantité et en qualité, tout en réduisant le plus possible le coût et le temps d’exécution. Ce qui semble être le contraire de nos approches passées, où les coûts explosaient pour tous les projets, sans parler de leurs durées très extensibles, avec une qualité qui laissait souvent à désirer.
Un autre point des exigences demande l’utilisation de stratégies qui renforcent les capacités du pays, comme la préférence nationale. Les offres extérieures à privilégier seront celles qui assurent le transfert des compétences au personnel local. Pour ainsi arrêter la fourniture de services à l’Etat par des sociétés étrangères, au lieu que celles-ci forment à ce travail le personnel congolais, via des sociétés congolaises partenaires ! Ce qui exigerait que le gouvernement appuie des sociétés congolaises sérieuses, dont le personnel est formable !
Sans un respect strict des exigences ci-haut, point de développement rapide du pays. Point final !
TDB du gouvernement : Plans d’action national et sectoriels
Le 5e élément est l’établissement d’un plan d’actions national. Ce plan rappelle les objectifs à atteindre et explicite les tragédies à adopter.
Pour chaque plan, on déterminera ses critères de performance propres et ses facteurs clés de succès. Ainsi que ses étapes relais, les réalisations attendues et leurs dates d’occurrence.
Un point important est l’enracinement du plan national et des objectifs globaux et sectoriels dans le pays profond, à tous les niveaux. La contribution à ces objectifs globaux, de chaque province, territoire rural ou urbain, village ou quartier devra être déterminée, avec la prise en compte des besoins légitimes de chaque coin du terroir, pour éviter qu’un patelin ne rame à contre-courant de l’action collective. Cet ancrage de l’action gouvernemental dans le pays profond constituera aussi un puissant élément de l’intégration nationale, surtout si les initiatives de développement qui résulteront de cette distribution des tâches entre territoires sont complémentaires.
Un autre point important est l’alignement de tous au plan national et à ses objectifs globaux. Toutes les directions et tous les services de l’administration publique seront ainsi alignés aux objectifs globaux du gouvernement, tant au niveau national qu’au niveau provincial. De même sera-t-il des entreprises étatiques, où un alignement de leurs objectifs sera fait, par rapport à la mission de chacune d’elles.
Pour les partenaires internes et extérieurs, institutionnels et privés, la ligne directrice du gouvernement sera ainsi tracée, de même que la contribution qui pourrait être attendue d’eux, dans leur domaine spécifique. De façon à ce que, toutes leurs initiatives trouvent leur justification et leur cadre structurel de référence dans les objectifs globaux du pays.
TDB du gouvernement : Budget national et sectoriels
Le 6e élément important est l’élaboration des budgets. Une bonne stratégie de financement du plan doit être déterminée et les mécanismes pour assurer la mise à disposition des ressources bien organisés.
Un point important ici est la politique budgétaire du gouvernement. En cas de modicité des ressources financières, beaucoup d’organisations adoptent une approche budgétaire à base zéro. Le budget de l’exercice suivant n’est pas une extrapolation ajustée du budget précédant, mais une agrégation des besoins estimés exacts du plan, pour l’exercice suivant. De telle façon que, tout organe qui ne contribue en rien aux objectifs globaux du pays et à ses plans d’action devrait cesser d’exister !
Cela semble être le cas des beaucoup de services qui émargent toujours au budget de l’Etat, mais dont la raison d’être n’existe plus. Tout comme des conflits inutiles de compétences, certains membres de cabinet des dirigeants politiques cherchant à récupérer les attributions des agents de l’administration publique, parce qu’étant sans attribution précise eux-mêmes. Cela constitue un vrai coulage des ressources, par inorganisation, ressources dont on a pourtant besoin pour des projets de développement.
L’efficacité organisationnelle du gouvernement est dès lors importante à réaliser, afin de réduire en amont, beaucoup de frais généraux injustifiés.
Une exigence classique ici aussi, celle de l’orthodoxie budgétaire. Qui doit être de stricte application !
TDB du gouvernement : Mise en œuvre du plan national et des plans sectoriels
C’est le 7e élément dans la confection du tableau de bord. Le premier point de cette mise en œuvre est de communiquer à chacun son plan, de clarifier sa responsabilité dans la mise en œuvre et la réussite de ce plan, d’agréer des dates à respecter, des moyens mis à disposition, de convenir de l’autorité lui conféré pour l’exécution du travail et enfin de se mettre d’accord sur les livrables à produire, en termes de résultats de travail et des informations sur les progrès réalisés. Cette communication doit être cascadée jusqu’à la base, au niveau des entités territoriales ou communales.
Le point important à ce stade est de savoir que le plan n’est pas qu’un document de référence des organes centraux, mais belle et bien le premier outil de travail de tous les services décentralisés, qui doivent, chacun en ce qui le concerne, le mettre effectivement en action.
TDB du gouvernement : Un tableau de bord équilibré
Tout le travail de la cuisine ayant été fait, le gouvernement peut présenter à la fin le menu proposé.
Le gouvernement assurera la publication des résultats du tableau de bord, aux dates périodiques prédéterminées, au regard de ce qui est attendu de chaque partie prenante, de chaque intervenant.
TDB du gouvernement : Indicateurs constitutifs
Le tableau de bord regroupera ainsi des indicateurs de synthèse macroéconomiques classiques et ceux relatifs au développement, y compris l’indice de développement humain (IDH), plus les indicateurs de performance sectorielle, ministère par ministère. D’autres indicateurs, au choix, peuvent y être ajoutés, comme ceux de l’OIT relatifs à la sécurité du travail ou l’empreinte écologique du pays.
La philosophie derrière ce tableau sera semblable à celle du tableau de bord prospectif en entreprise (Balanced Scorecard de Kaplan et Norton), tableau à l’aide duquel l’on manage, via les résultats réels obtenus, les stratégies qu’on avait adoptées et leur mise en œuvre opérationnelle telle qu’on l’avait organisée. Chose nécessaire pour tout bon commandant de bord !
TDB du gouvernement : Indicateurs équilibrés
Un avantage de ce système prospectif est l’équilibre entre secteurs que les Anglo-saxons qualifient de « cross fertilization », ou une fertilisation croisée des actions. La croissance de la production agricole dans un territoire favorisant par exemple, la construction des infrastructures routières d’accès, cette construction générant le recyclage technique des corps de métier ad hoc, ce cyclage débouchant sur une croissance de la productivité dans les travaux de l’urbanisation du territoire, cette amélioration de la productivité engendrant une augmentation des revenus de la caisse de la sécurité sociale, cette dernière augmentation entraînant un accroissement de construction de logements sociaux… et le cercle vertueux de développement se boucle.
TDB du gouvernement : des maux à surveiller
Cependant, on doit faire attention aux grains de sable qui peuvent enrailler cette belle mécanique. Des grains de sable qui ont pour noms la concussion, la corruption, des rémunérations inéquitables (Avantages élevés contre une très faible contribution réelle pour le pays), … et nous connaissons tous la liste de ses pratiques douteuses, même si l’on n’aime pas beaucoup se l’avouer, tant qu’on en bénéficie soi-même !
TDB du gouvernement : Excellence opérationnelle comparée
La touche particulière de l’analyste du tableau de bord est de veiller, de façon constructive aux exigences de l’excellence opérationnelle de l’action gouvernementale. A cet effet, une méthode simple est la comparaison continue au premier de la classe. Les autres pays qui construisent des aéroports par exemple, le font-ils mieux que nous, en termes d’excellence d’exécution (qualité, coût, durée, impact social, … )? Si oui, ce que nous ne sommes pas encore très bien organisés et qu’on peut donc mieux faire encore. Si non, alors nous tenons le bon bout et nous nous devons d’accélérer pour accentuer l’écart. Parce que, de leur côté également, les autres pays essayent de nous dépasser.
Surtout avec les accords de libre-échange entre les pays africains de AfCFTA (African Continental Free Trade Area) qui viennent d’entrer en application depuis début Janvier, où seuls les meilleurs auront une place au soleil pour leurs populations.
Nous tirerons ainsi des leçons de ces signaux d’alerte comparatifs, comme pour des déviations de réalisation par rapport à nos prévisions, pour corriger nos faiblesses. Ces leçons seront communiquées à tout le monde, de même qu’un quelconque succès particulier d’un secteur, comme inspiration pour les autres.
TDB du gouvernement : Contribution d’un bon ministre
La contribution d’un bon ministre sera d’ajouter du dynamisme dans l’exécution conforme du plan gouvernemental dans son domaine. Il pourra améliorer sa contribution par l’accélération de l’exécution du plan, par l’adaptation des stratégies arrêtées aux changements circonstanciels, par la résolution rapide des problèmes imprévus, et même par l’affinement des objectifs stratégiques, en cas de changement majeur dans le processus. Si le plan avait par exemple prévu 10, et que les circonstances permettent 15, pourquoi pas ? Le rôle du ministre ne sera donc plus d’inventer l’action du gouvernement pour son ministère.
TDB du gouvernement : quelles conclusions à tirer ?
A nous de choisir entre être mieux organisés pour vivre mieux, ou de continuer à penser que nos malheurs sont causés par les autres, alors que, quand bien même l’on est malmené par d’autres, c’est bien notre faiblesse organisationnelle généralisée qui en reste la cause racine !
Si nous nous organisons mieux, nous pourrons avoir des gouvernements performants, capables d’atteindre les objectifs ODD 2030 des Nations Unies pour la RDC, de fort belle manière, et de faire en sorte que, tout congolais, jusque dans nos villages, soit heureux d’être citoyen d’un pays, qui recherche sans relâche et avec finesse, l’épanouissement et le mieux-être de tout un chacun !
A nous de choisir !
Des nouveaux articles ? Je croyais que le blog était abandonné. LOL. Et vous avez changé la page d’accueil aussi. J’aime mieux la nouvelle présentation. Well done.
Non Olivier. Le blog continue. Je travaillais l’accès facile aux articles. Beaucoup de visiteurs du blog ne s’arrêtaient qu’à la page d’accueil, sans lire les articles accessibles au menu donné sur cette même page. J’ai voulu rendre ces articles plus visibles. Comme vous l’avez vu.
Je vois que vous venez d’ajouter une évaluation avec des étoiles. Je vais coter les articles que j’ai déjà lus.
Nous avons des atouts, mais nous avons plus encore des gros défis qui bloquent ces atouts. L’accent devrait être mis d’abord sur les valeurs de base du gouvernement, avant les plans et les tableaux de bord. Un vol doit rester un vol, si petit soit-il et doit redevenir dégradant pour toute personne qui le commet.
100% d’accord. Et le tableau de bord (TDB) souligne cette exigence des valeurs. S’il est bien organisé, un bon TBD introduit un degré de transparence qui réduit les risques de tricherie et de comportement indélicat. Tant que le vol ne sera pas dégradant, tout plan qui s’en accommode n’est que ruine de l’âme.